Professeur Seydou Badiane, neurochirurgien : « Il ne faut pas rester assis plus de deux heures temps »

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Le mal de dos est un casse-tête pour beaucoup de personnes. Professeur Seydou Badiane, chef du service de neurochirurgie du Centre Hospitalier Universitaire de Fann (CHU) de Dakar explique les bons comportements à adopter pour y mettre fin. 

 

Pourquoi parle-t-on de rachis cervical, dorsal ou lombaire ?

Le rachis est communément appelé la colonne vertébrale. La colonne vertébrale est formée de l’empilement des vertèbres les unes sur les autres qui forment une espèce de tige à partir de laquelle s’articulent les membres. Elle soutient la tête. C’est un peu le pylône central autour duquel les autres organismes s’organisent.

En fonction de la hauteur de la colonne vertébrale, on distingue grossièrement trois segments : un segment qui correspond au cou qu’on appelle le segment cervical, un segment qui correspond au dos qu’on appelle segment dorsal ou thoracique et un segment lombaire. En fonction de la topographie, on parle de cou, de dos, ou de lombes. C’est pourquoi, on dit rachis cervical, rachis lombaire, rachis dorsal ou thoracique.

 

Quel est le rôle du rachis ou de la colonne vertébrale ?  

La colonne vertébrale est un tout. Elle a un rôle de soutien. Elle soutient l’ensemble du corps, mais elle sert également à abriter la moelle qui est le système nerveux, responsable de la motricité, de la marche et des mouvements, etc.

La colonne vertébrale soutient la moelle qui est à l’intérieur, mais elle est dotée d’une certaine souplesse qui lui permet de faire des mouvements et de faire des déplacements notamment.

Les rachis n’ont pas de rôles différents. Cependant, ils ont des formes anatomiques différentes en fonction du poids qu’ils supportent. Il est évident que la partie du rachis qui est la plus basse (rachis lombaire) est la plus forte parce qu’elle soutient tout le poids du corps. Ensuite, vient la partie thoracique et enfin la partie cervicale qui ne soutient que le crâne et le cerveau.

 

Est-ce qu’il y a des maladies liées à la colonne vertébrale ?

Bien sûr, le rachis, c’est de l’os et il protège le système nerveux. Donc toutes les pathologies qui peuvent toucher l’organisme touchent l’os. Elles peuvent être infectieuses, traumatiques, tumorales ou dégénératives. Le rachis abrite le système nerveux.

 

Existe-t-il des affections qui touchent le rachis cervical uniquement ?

Non, il n’y a pas de maladies liées au rachis cervical uniquement. Toutes les maladies qui touchent les autres segments du rachis peuvent toucher le rachis cervical. Par contre, les manifestations cliniques sont différentes en fonction du segment concerné.

Il y a une centaine de maladies qui touchent la colonne vertébrale. Les maladies les plus fréquentes auxquelles on est confronté sont les maladies dégénératives, c’est-à-dire celles qui viennent avec l’âge : arthrose et d’autres types de rhumatisme qui peuvent occasionner des douleurs.

 

C’est quoi la relation entre la colonne vertébrale et le mal de dos ?

Le mal de dos est un terme générique. Quand on a mal à la région lombaire, on dit mal de dos. Quand on  a mal au dos supérieur ou inférieur, on dit toujours mal de dos. Ce n’est pas exactement le dos : c’est la colonne vertébrale. Par abus, on dit mal de dos pour désigner les douleurs de la colonne vertébrale.

Le mal de dos est appelé mal du siècle parce que le dos concentre un peu toutes les attentions dans le monde moderne. L’Homme devient de plus en plus sédentaire, mange de plus en plus mal, utilise des voitures. Toute cette sédentarité va être le prochain problème de ce siècle parce que les gens ne font plus de sport. Donc, il ménage trop leur dos et celui-ci se lâche et concentre toutes les douleurs possibles et imaginables.

 

Quelles sont les causes du mal de dos ?

D’abord, il existe des causes tumorales. Si quelqu’un a une tumeur qui se développe à l’intérieur du canal, cette tumeur peut se développer à partir des éléments qui constituent la colonne vertébrale. On appelle ça un ostium.

Ensuite, la pathologie infectieuse. Un patient peut souffrir d’une Spondylodiscite qui est une infection du disque et de l’os et qui donne des douleurs atroces et parfois des déformations. Celle-ci peut être liée à des germes ordinaires (staphylocoques, etc.) ou à la tuberculose, on appelle ça le « Mal de Pott ».

Mais, les causes essentielles que l’on rencontre sont celles liées au caractère dégénératif (c’est-à-dire, le mal de dos vient avec l’âge, la sédentarité, etc.) ;

 

Comment prévenir le mal de dos ?  

Il faut le prévenir en fonction de la cause. Pour les causes infectieuses, par exemple, il faut prévenir les infections. C’est-à-dire si quelqu’un a une infection respiratoire ou une tuberculose pulmonaire, il faut les traiter avant qu’elles viennent au niveau de la colonne vertébrale.

Cependant, il n’y a pas un moyen précis de prévenir les tumeurs.

Pour ce qui est du dégénératif. L’âge, c’est l’âge. On ne peut pas prévenir les cheveux blancs quand ils poussent. Par contre, on peut adopter des mesures préventives du fameux mal de dos mal en ayant des règles d’hygiène de vie comportementales : bien se tenir, ne pas soulever n’importe quoi, n’importe comment.

Il y a également des écoles du dos où on éduque les gens. Malheureusement, on y éduque ceux qui ont déjà des maux de dos.

Au niveau professionnel, aussi il y a des mesures qu’on doit enseigner aux ouvriers, manutentionnaires (comment soulever ? Comment poser ? Comment conduire, etc.). Ce sont autant de mesures qu’il faut prendre pour pouvoir prévenir les maux de dos.

 

Quelles sont les précautions à prendre ?

En premier lieu, vient la règle d’hygiène comportementale : ne pas se tenir n’importe comment, ne pas soulever n’importe comment, surtout ne pas faire des choses exagérées intempestives, violentes (conduire un 4×4 sur des pistes cahoteuses sur 700 km pendant des années).

Il faut surtout faire des exercices.  Pour le dos, ce qui est recommandé, c’est la natation dans l’eau chaude, pendant les périodes de chaleur. Il faut éviter de nager dans l’eau froide. Aujourd’hui, il y a un sport qui se développe, qui a beaucoup de succès, c’est l’aquagym.

 

Chez les personnes qui s’assoient toute la journée, on convient qu’au bout d’une heure et demie à deux heures, il faut se lever et marcher ou se lever pour s’étirer pendant deux minutes ou trois et retourner s’asseoir. Il ne faut pas rester assis plus de deux heures de temps.

En second lieu, arrive la règle d’hygiène alimentaire : manger moins sucré, moins salé, moins gras et manger davantage de légumes.

 

Quelles sont les personnes les plus exposées ?

A partir de quarante ans, les travailleurs dont le métier nécessite beaucoup de force (dockers, etc.) font partie de celles qui sont les plus touchées. C’est le cas aussi pour les sportifs de haut niveau qui ont eu des microtraumatismes très importants en faisant des activités sportives très importantes. Par exemple, ceux qui pratiquent la gymnastique pendant des années. Tant qu’on est jeune, ça ne se ressent pas, mais à partir de quarante, cinquante ans, les problèmes commencent. Ceux dont la profession exige une station assise prolongée (secrétaires, dactylographes, les gens qui travaillent avec un ordinateur, les dentistes, etc) sont également exposés aux maux de dos. D’où la nécessité de connaître les règles du jeu comportemental.

Il y a une manière de s’asseoir. On ne se vautre dans un fauteuil. On redresse la colonne vertébrale et on se tient droit. On essaye autant que possible de faire cela.

Les femmes aussi du fait de leurs grosses peuvent souffrir de maux de dos. Quand une femme est enceinte ses abdominaux sont étirés au maximum. A la grossesse suivante, ils sont encore étirés. Et si après chaque grossesse, il n’y a pas derrière l’effort de faire des mouvements, de retravailler les muscles, à la fin, le ventre est tombant. Et quand les muscles ne sont pas solides, la colonne vertébrale devient plus fragile et occasionne des lombalgies.

 

Doit-on opérer une personne qui a le mal de dos ?

Tout dépend de la cause. Quand quelqu’un fait un accident et que la colonne vertébrale est cassée, il faut l’opérer. Mais si on en revient toujours aux valeurs dégénératives, on n’opère pas tout le monde. Par exemple, le trouble le plus classique, c’est ce qu’on appelle la hernie discale, qui, quand elle est lombaire donne une névralgie sciatique ou douleur sciatique ou tout simplement sciatique. Mais il faut savoir que dans ce cas-là, 80 % des malades voire 90 % guérissent avec un traitement médicamenteux simple accompagné d’une bonne rééducation et d’une prise en charge médicale. Par contre, c’est une erreur de considérer que tout le monde va guérir parce qu’il y a une portion incompressible de 10 à 20 % des patients qui ont besoin d’être opérés.

Maintenant tout dépend de la spécialité. Un médecin va demander à son patient de ne pas se faire opérer mais, un chirurgien, lui, va suggérer le contraire. Chacun a sa spécialité. On est influencé par ce que l’on est. Il existe des malades qui ont des hernies discales qui doivent être opérées et qui malheureusement trop souvent restent entre les mains de médecins qui continuent de leur donner des médicaments et après quand ils ont une complication, ils viennent voir le neurochirurgien. Dans ce cas, on les opère, mais malheureusement la complication est déjà soulevée.

 

Quand doit-on opérer un malade qui a le mal de dos ?

On n’opère pas tout le monde, mais on opère certains. Quand il s’agit de cas compliqués où le patient a des troubles neurologiques, une hernie discale et une paralysie, il faut procéder à une opération. C’est le cas aussi pour les patients qui perdent leurs urines et qui ne peuvent pas les retenir. Mais surtout, on opère ceux qui ont une sciatique ou une douleur qui au scanner ou bien à l’IRM montre l’existence d’une hernie discale avec une bonne corrélation avec ce dont le malade se plaint et ce qu’on a trouvé à la radio.

Si le malade, au bout de deux, quatre voire six semaines ne guérit pas, s’il a toujours autant mal et qu’il est obligé de prendre des médicaments pour être  soulagé, il faut procéder à l’opération.

Pour la durée de l’opération, s’il s’agit d’une hernie discale unique, en règle générale, ça prend une heure à une heure et demie. Pour la guérison, quand le malade est opéré, il peut se lever le lendemain pour commencer à marcher. Au  bout de 10 jours, il cicatrise. On lui fait ensuite sa rééducation puis, au bout d’un mois, il récupère.

 

Quels sont les risques liés à l’opération ?

Toutes les interventions chirurgicales présentent des risques. Même la circoncision en a. C’est pourquoi les chirurgiens n’aiment pas parler de petites interventions. Par exemple, il y a les risques liés à l’anesthésie. A la suite d’une injection, le malade peut faire une réaction quelconque et mourir sur le champ. On peut positionner le malade d’une façon anormale puis entraîner d’autres paralysies au réveil.

L’intervention chirurgicale en elle-même peut occasionner des complications. La plus fréquente est l’infection postopératoire. Au cours de l’intervention, le malade peut beaucoup saigner. On peut aussi accidentellement blesser un nerf.

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