Les mécanismes de la transmission du savoir en médecine traditionnelle en Afrique de l’Ouest

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(Prof Roch A. Houngnihin, anthropologue, Coordonnateur du Programme de la médecine traditionnelle, Ministère de la santé, Bénin)

Divers systèmes de médecine traditionnelle ont été développés au fil des siècles par les cultures asiatiques, africaines, arabes, amérindiennes, océaniques, centraméricaines, sud-américaines, etc. Influencées par des facteurs tels que l’histoire, les attitudes personnelles et la philosophie, leurs pratiques peuvent varier considérablement d’un pays à un autre et d’une région à une autre. En Afrique, les ressources de la médecine traditionnelle ont été utilisées pendant plus de dix mille ans par des professionnels qui ont acquis leurs connaissances et leur savoir-faire à travers l’observation, la révélation spirituelle, l’expérience personnelle, la formation et l’information directe auprès de prédécesseurs.

L’empreinte de l’ancestralité
La médecine traditionnelle africaine fait partie des plus riches du monde, notamment en raison du fait que les peuples ont su protéger jalousement les pratiques ancestrales de guérison, transmises par les sages respectés de tous. Ces pratiques constituent aujourd’hui un véritable patrimoine culturel et scientifique qui fait la spécificité de ces pays. Par ailleurs, du fait de la vivacité de ces pratiques, beaucoup de forêts sont restées intactes, grâce aux divinités qu’elles abritent. Ces forêts renferment une grande diversité d’espèces végétales, animales ou minérales, et sont une source d’approvisionnement importante pour de nombreux praticiens de la médecine traditionnelle.

Dans un tel contexte, chaque professionnel de la médecine traditionnelle porte en lui les empreintes d’une connaissance de la maladie et des remèdes pour y faire face. La période précoloniale est caractérisée par l’utilisation systématique et généralisée de la médecine traditionnelle. Ces acteurs, en raison de leurs compétences et de leurs rôles, constituent le premier recours de soins, rendant leur situation enviable des autres couches sociales. Ils sont à la fois redoutés pour leurs pouvoirs surnaturels et enviés pour la maîtrise de leur art. La dimension psychique des traitements confère aux praticiens une latitude pour agir sur les perceptions, condition sine qua non d’une acceptation ou d’une adhésion aux traitements proposés.

L’influence de l’administration coloniale
A partir de 1894, l’administration coloniale va construire des hôpitaux et des infirmeries, d’abord pour la protection sanitaire de ses expatriés. Progressivement, elle va mettre en place un système sanitaire préventif de masse pour les administrés, aidée dans cette tâche par les missionnaires catholiques. Pendant cette période, « l’action bénéfique des politiques de santé publique s’accompagne d’une dévalorisation des cultures locales. » Pour les missionnaires, il était important d’« empêcher les fidèles nouvellement ou plutôt superficiellement convertis à la foi chrétienne de s’adonner à une médecine dont les pratiques étaient bien mystérieuses et avaient des relents païens. » La gratuité des soins est instaurée dans les dispensaires. Les guérisseurs traditionnels sont traités de sorciers et de charlatans. L’administration coloniale les contraint d’exercer leur art dans la clandestinité. De ce fait, la médecine traditionnelle a vu son champ de notoriété entamé, soit par les interdits de l’administration coloniale, soit par la découverte des produits de la médecine dite conventionnelle.

Les mécanismes de la transmission du savoir en médecine traditionnelle
Chaque type de médecine peut être identifié par sa culture. Celle-ci procure un équilibre vital à chaque membre du groupe, à travers l’interaction entre les facteurs médicaux et non-médicaux qui, continuellement, influencent la santé de l’individu. En médecine traditionnelle, trois voies de transmission du savoir sont généralement observées : l’apprentissage, l’accompagnement et l’échange de recettes entre professionnels.

L’apprentissage s’opère à travers les rites d’initiation dans les couvents sur l’usage des plantes. Par contre, l’accompagnement se pratique de père en fils, en tenant compte du tempérament et des capacités cognitives de l’apprenant. Enfin, la formation par accompagnement et par approche se fait pendant sept à vingt ans avec le même formateur, et parfois avec la possibilité de poursuivre la formation auprès d’un autre maître. A 40 ans, l’apprenant est libéré. Enfin, l’échange de recettes entre praticiens de la médecine traditionnelle est une pratique de transmission du savoir médical bien courante en Afrique. Le crédit social accordé à un praticien de la médecine traditionnelle est fonction de sa maîtrise des trois domaines de cette médecine à savoir : les plantes médicinales, la divination et l’expiation du mal par les rituels religieux.

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